Parcours de Pierre Michon en compagnie de Denis Labouret
Cette année, nous célébrons le quarantième anniversaire de Vies minuscules (1984), un livre singulier qui révéla le talent de Pierre Michon. Son oeuvre, malgré sa relative minceur, a suscité nombre d’études savantes et de lectures passionnées.
Cette année, nous célébrons le quarantième anniversaire de Vies minuscules (1984), un livre singulier qui révéla le talent de Pierre Michon. Son oeuvre, malgré sa relative minceur, a suscité nombre d’études savantes et de lectures passionnées.
Pour le découvrir, nous vous conseillons de commencer par Les Vies minuscules, qui est une lecture accessible. Ce sont des récits de vies, une succession de portraits touchants, profonds, dont l'écho nous imprime longtemps.
Les vies de celles et ceux longtemps laissés à l’orée des romans et des histoires occupent désormais le coeur de l’oeuvre littéraire. Dans ses « vies » de Pierre Michon, se mêlent par ailleurs celle personnelle de l’auteur et celles des personnages, elles-mêmes diffractées et racontées. La vie de Michon n’a de cesse de se construire en miroir avec les vies d’autres, dont l’écriture constitue l'opération révélante.
C’est aussi sous l’angle de la littérature du visible qu’il faut comprendre le rapport de l’écrivain, non seulement aux peintres, mais aussi à leurs œuvres. Il semblerait que les questions qui se posent pour la peinture se posent aussi pour l’art d’écrire et renvoient à l’écrivain lui-même.
La référence à la peinture dans l’ensemble de son oeuvre permet à Michon de savoir si le texte fait apparaître, si vraiment il convoque les êtres et les choses. En effet, la peinture recèle cette capacité de conférer grandeur et noblesse aux minuscules. Les références picturales sont partout dans le texte et l’image se fait véritable moteur de l’écriture. En retour, Michon confectionne ses autoportraits à partir des portraits littéraires tirés de l’iconographie. Denis Labouret rend dès lors lisible et visible, à son tour, la puissance d’engendrement poétique du portrait dont est dépositaire l'oeuvre de Pierre Michon.
Poursuivant ce parcours de passage par les vies (d’)autres, Denis Labouret présente également le “mythe Rimbaud” de Pierre Michon (Rimbaud le fils, 1991). Alors que l’oeuvre rimbaldienne a dépassé ses critiques littéraires, faisant de ses commentateurs des Gilles, des Pierrots enfarinés, ce sont chez lui les minuscules qui constituent le miroir permettant à l”'icône” Rimbaud d’apparaître. Avec Michon, la documentation sert d’ancrage pour l’imaginaire. L'imaginaire de l’écrivain est celui d’un entremêlement dynamique, d’une indémêlable articulation entre réalité et fiction, peinture et littérature, mais aussi entre l’auteur et ses personnages. Toutes ces -ses ?- vies se rencontrent aux lisières de l’écriture et se superposent.
Michon relève par exemple que le geste des Modernes, qui fut aussi celui d’Arthur Rimbaud, a consisté à “tuer un père qui n’existe plus depuis belle lurette (...) tuer un père fantomatique, qui est mort depuis longtemps, sans doute en janvier 1793, sous le grand couteau des fils (...)” (Le roi vient quand il veut, p. 54). Cette autonégation du fils en Rimbaud, ce refus définitif, franc et massif de la filiation est autant celui du mythique poète que de l'écrivain creusois. Denis Labouret nous révèle ainsi les richesses d’une écriture, où, à chaque phrase et chaque mot se mêlent la vie de l’auteur, les vies de ses personnages ; et où confluent toutes les sources qui les constituent, se reflétant et se nourrissant les unes les autres.
Denis Labouret, spécialiste de la littérature française des XX et XXIème siècles de l’université Paris-Sorbonne et codirecteur avec Agnès Castiglione du deuxième numéro des Cahiers Pierre Michon (PU de Rennes, 2024). Vous pouvez découvrir ses conférences ou podcasts consacrés au parcours de l’écrivain “contemporain” qu’est Pierre Michon.
Sarah Creusot
Credit photo @lucioleetfeufollet