Philosophie de l’expérience esthétique – Charles Pépin

Qu’est-ce que le « beau » ? Une question que l’on s’est déjà toutes et tous posée. Le beau est-il forcément subjectif, ou est-il ce qui correspond à la perfection en son genre, obéit à certaines fo…

Philosophie de l’expérience esthétique – Charles Pépin – Les Mardis de la Philo

Qu’est-ce que le « beau » ? Une question que l’on s’est déjà toutes et tous posée. Le beau est-il forcément subjectif, ou est-il ce qui correspond à la perfection en son genre, obéit à certaines formes d’équilibre ou d’harmonie ?

Le beau fait naître un sentiment particulier, le sentiment esthétique. Si, depuis l’Antiquité, on a pu chercher à formuler des règles et des idéaux dans le domaine des beaux-arts, la modernité a approché cette notion à travers le problème de l’expérience subjective du beau. Kant, définissant le beau comme « ce qui plaît universellement sans concept », souligne la spécificité du jugement esthétique, distinct de celui qui est issu de l’entendement, et son fondement subjectif. Les beaux-arts comme la nature sont ainsi à même de nous révéler le beau.

Cependant, le beau reçoit une définition historique avec la philosophie hégélienne : il est « la manifestation sensible du vrai », les différentes formes d’art étant le moyen par lequel l’esprit humain se manifeste et se comprend lui-même. Le beau naturel doit ainsi être distingué du beau artistique ; seul celui-ci, issu d’une activité de l’esprit humain, justifie pleinement cette qualification. La philosophie esthétique de Hegel est aussi une réflexion sur le rôle social et historique de l’art : pour le philosophe en effet, l’art est un reflet de la culture et de l’époque dans laquelle il est créé. Il considère que l’art est un moyen pour la société de se comprendre et de se développer, participant ainsi au progrès de l’humanité.

La philosophie esthétique d’Aristote, pilier fondateur de la pensée occidentale, offre également une profonde réflexion sur la beauté et l’art. Pour le philosophe grec, l’esthétique ne se limite pas à une simple appréciation des œuvres, mais englobe une vision globale de l’harmonie et de l’équilibre dans le monde. Selon Aristote, la beauté réside dans l’ordre et la proportion, où chaque élément trouve sa juste place et contribue à l’ensemble de manière cohérente. Ainsi, l’art se nourrit de la nature, imitant sa perfection pour révéler la vérité et l’essence des choses. L’esthétique aristotélicienne incite l’homme à cultiver son sens de l’observation, à s’ouvrir à l’harmonie du monde et à saisir la beauté dans sa plénitude. En valorisant la contemplation esthétique, Aristote invite l’homme à s’élever vers le divin et à enrichir son âme par l’expérience esthétique.

Dans le prolongement d’Aristote, Merleau-Ponty, philosophe phénoménologue majeur du XXe siècle, insiste sur le fait que l’expérience esthétique ne se limite pas à une contemplation passive, mais engage pleinement le corps et les sens. Dans cette perspective, la perception et la sensation jouent un rôle essentiel, car elles permettent une immersion dans l’œuvre. Celle-ci devient le lieu de convergence entre la subjectivité de l’artiste et la réceptivité du spectateur. L’expérience esthétique est donc à la fois une véritable manière d’être au monde et un espace de co-création où l’interprétation est entièrement libre.

Délicate, métaphysique ou pure présence au monde, l’expérience esthétique n’est ainsi pas une expérience comme les autres. Charles Pépin nous le démontrera lors d’un cycle de trois conférences, en explorant les grands textes et auteurs qui ont osé défier le mystère de la beauté.

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