Quand y-a-t-il art ? Avec Charles Pépin
« Les goûts et les couleurs », voilà l’expression facile par laquelle il nous arrive de conclure des discussions sur l’art, lorsque les avis divergent et que nous ne trouvons pas de marqueurs objectifs de ce qui est art, de ce qui ne l’est pas, et des critères qui décident de ce qui est beau ou laid.
« Les goûts et les couleurs », voilà l’expression facile par laquelle il nous arrive de conclure des discussions sur l’art, lorsque les avis divergent et que nous ne trouvons pas de marqueurs objectifs de ce qui est art, de ce qui ne l’est pas, et des critères qui décident de ce qui est beau ou laid. Le problème à propos de l’art revient comme un refrain dont on a du mal à se débarrasser : n’est-il pas de l’ordre du subjectif ? Le fait pour l’un d’apprécier une œuvre d’art s’aligne parfois avec le fait qu’un autre la rejette,
voire ne la considère même pas comme de l’art, alors à quoi pouvons-nous nous référer pour définir l’art
et le beau ? Existe-t-il de tels référents ?
Toutes ces interrogations appartiennent très classiquement au champ de la philosophie de l’art et de
l’esthétique, et sont traditionnelles dans ces disciplines. Or, nous verrons avec Charles Pépin qu’il est
possible de prendre du recul sur ces questions pour adopter une perspective qui aura pour finalité de nous émanciper de carcans théoriques vus et revus et, somme toute, limités.
Tout d’abord l’essence de l’œuvre d’art consiste selon Nelson Goodman à être un « symbole », c’est-à-dire à se référer à… Cela signifie qu’au lieu d’examiner ou bien l’art en général et les œuvres d’art, ou bien le discours que l’on peut porter sur les œuvres d’art (dans une approche issue de la philosophie analytique), nous pouvons bien plutôt nous concentrer sur ce que l’art nous évoque, l’art comme expérience subjective signifiante, tout en nous concentrant sur ce phénomène de signification propre à l’art afin d’en étudier la portée. L’art signifie, symbolise, autrement dit au sein de l’art se constituent des systèmes de renvois et de références, ce qui nous permet de rapprocher l’étude qu’on en fait de l’étude des langues.
La beauté cependant échappe en grande partie à cette analyse, et nous renvoie à un mystère plus grand,
tout simplement car l’expérience du beau est largement de l’ordre de l’indicible et semble échapper au langage. Pouvons-nous jamais mettre des mots sur la beauté ? Or il est une autre expérience qui parallèlement nous frappe de mutisme et nous rend incapable de la communiquer, c’est l’expérience du
malheur. Le mal, lorsqu’il nous assaille, lorsqu’il est invincible, provoque paradoxalement la même
impuissance à l’exprimer que la beauté. Beauté et laideur, amour et mort, eros et thanatos, mais aussi
Bien et Mal, lumière et ténèbres, nombreux sont les dualismes qui opposent classiquement deux concepts contraires ; mais également complémentaires. Car l’art nous montre souvent qu’il peut y avoir de la beauté dans la laideur, de l’héroïsme dans le mal, et de la piété dans le malheur. Nous verrons ainsi que le mal est au cœur de l’expression artistique depuis les premiers récits de la Chute.
Crédit photo : Mo Riza.