Pourquoi confronter la pensée de Mill à celle de Nietzsche ?
L’histoire de la philosophie est ponctuée par des esprits indépendants et divergents, chacun laissant son empreinte distincte sur le paysage intellectuel. Deux de ces esprits, bien qu’en appa…
Mill, Nietzsche et les « derniers hommes », par Camille Dejardin - Les Mardis de la Philo
L’histoire de la philosophie est ponctuée par des esprits indépendants et divergents, chacun laissant son empreinte distincte sur le paysage intellectuel. Deux de ces esprits, bien qu’en apparence opposés, se sont élevés au XIXe siècle avec une vision convergente : John Stuart Mill et Friedrich Nietzsche.
D’un côté, John Stuart Mill (1806-1873), un libéral britannique marqué par l’ « utilitarisme » et nourri de la philosophie grecque. De l’autre, Friedrich Nietzsche (1844-1900), un philologue germanique anti-platonicien se rêvant « immoraliste ». Malgré ces différences et bien qu’ils ne se soient jamais rencontrés, leurs diagnostics sur les changements anthropologiques du XIXe siècle en Europe convergeaient sur de nombreux points.
Mill et Nietzsche étaient des adeptes de l’épanouissement individuel par le biais de l’engagement avec la difficulté et l’intensification de l’expérience vécue. Mill, attaché aux principes du libéralisme, croyait en la primauté de l’individu et de ses choix. Il préconisait l’expression de la pensée et le débat ouvert, créant ainsi un environnement propice à l’épanouissement personnel et à l’exploration des idées. Pour Nietzsche, l’intensité de l’expérience était la clé de la transformation. Sa recherche de l’authenticité l’a poussé à rejeter les conventions.
Les deux philosophes s’opposaient au désenchantement croissant de leur époque. Alors que la révolution industrielle et les changements sociaux modifiaient la perception du monde, Mill et Nietzsche appelaient à la reconnexion avec la dimension profonde de la vie. Mill voyait dans la recherche du bonheur une quête légitime, tandis que Nietzsche exhortait à embrasser l’existence dans toute sa complexité, y compris ses aspects tragiques.
Les points de convergence ne s’arrêtent pas là. Mill et Nietzsche partageaient également une profonde méfiance à l’égard de la pensée conformiste et du dogmatisme. Ils prônaient la libération de l’esprit des entraves de la société et de la tradition, encourageant ainsi la pensée indépendante, la remise en question et l’étonnement.
Leurs écrits, bien qu’issus de contextes et de perspectives différentes, exprimaient un désir commun de transcender les limites imposées par la conformité sociale et de réinventer la manière dont l’individu percevait et vivait sa propre existence.
En somme, Mill et Nietzsche, bien que séparés par le temps et la géographie, se rejoignent dans leur détermination à redonner une signification profonde à la vie humaine. Leurs voix distinctes forment un chœur d’encouragement à l’épanouissement, rappelant que même dans la diversité de la pensée, des vérités universelles peuvent émerger, transcendant les barrières temporelles et culturelles.
Camille Dejardin fait dialoguer ces deux auteurs tout au long d’un cycle de conférences, nous rappelant que la pensée humaine est riche en nuances et en contradictions.